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Abîmes ; Santa Monica
Quadriptyque, photographie numérique, capture d'écran et image générée avec I.A., 42 x 75 cm
N’ayant jamais mis les pieds sur le continent américain, j’avais toujours été intrigué par la place que prenait néanmoins les Etats-Unis dans mon imaginaire. Ce projet partait d’une image mentale. Celle que je me faisais du noyau du soft power américain : Los Angeles. Mon choix s’est porté spécifiquement sur la plage de Santa Monica pour sa charge symbolique. Ce lieu nourrit la culture populaire (tournages de films connus, fête foraine mythique, skatepark emblématique, rencontre légendaire entre Churchill et Chaplin, terminus de la fameuse route 66, sièges de célèbres studios de jeux vidéo...). Entre le consumérisme de masse et la vague idée d’un mysticisme du désert, probablement issu des cultures des peuples exterminés, récupérées et relayées par les contre-cultures et les rockstars des années 1960-70. Tout se mélange sur cette plage comme dans l’esprit du spectateur qui ne connaît le réel que par le prisme du spectacle. La plage infinie comme illusion collective. J’avais déjà en tête ces lignes d’horizon écrasées par un ciel lourd, cette lumière implacable et éblouissante, ces silhouettes fantomatiques de touristes perdus dans le rêve californien, cette cabane de sauveteur absent... Cette image stéréotypée et déjà-vue semblait adaptée pour représenter un lieu fantasmé à la fois lointain mais réalisable.
En 2014, je me suis donc rendu dans ce désert du réel pour y vérifier mon mirage. J’y ai prélevé cette image-paysage, préexistante et immuable, en la photographiant. Un jour de 2019, voulant revivre l’étrange satisfaction que m’avait procuré cette prise de vue, je suis allé me promener dans Google Street View, service d’exploration virtuelle développée par une entreprise californienne. J’ai capturé une nouvelle fois la scène, cette fois-ci sans me lever de mon siège de bureau. Constatant de manière encore plus forte le caractère à la fois évanescent et perpétuel de ce paysage devenu fragment d’une carte exhaustive de l’empire, documentant sa propre existence. Puis, c’est depuis mon canapé, dans le jeu vidéo GTA V, copie synthétique et modifiée de Los Angeles, que j’ai saisi une troisième fois l’empreinte de ce lieu. Cette fois-ci, la fictionnalisation par la modélisation 3D et par le changement de nom du lieu donnait à Santa Monica une stature de monument, plus onirique et pérenne que jamais, éternelle.
Pendant quatre années, ces
trois images formèrent un triptyque. En 2023, Midjourney, un outil
informatique basé sur l’I.A., également développé en Californie, me
permit de fondre les qualités de ces trois images en les fusionnant. Le
résultat est le reflet d’un moment et d’un lieu qui n’ont jamais été. Un
pur simulacre, sans ancrage ni référent direct au réel, représentant
pourtant un lieu bien réel : la terre promise de la simulation.
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Abîmes ; Santa Monica
Quadriptych, digital photography, screenshots, A.I. generated image, matte paper laminated on Dibond, 42 x 75 cm
Having never set foot on the American continent, I had always been intrigued by the place that the United States nevertheless took in my imagination. This project started from a mental image. The one I made for myself from the core of American soft power: Los Angeles. My choice fell specifically on the Santa Monica beach for its symbolic charge. This place nourishes popular culture (shootings of well-known films, mythical funfair, emblematic skatepark, legendary meeting between Churchill and Chaplin, terminus of the famous route 66, headquarters of famous video game studios...). Between mass consumerism and the vague idea of a mysticism of the desert, probably coming from the cultures of exterminated peoples, recovered and relayed by the counter-cultures and the rockstars of the 1960s-70s. Everything is mixed on this beach as in the mind of the spectator who only knows reality through the prism of the show. The infinite beach as a collective illusion. I already had in mind these horizon lines crushed by a heavy sky, this implacable and dazzling light, these ghostly silhouettes of tourists lost in the Californian dream, this cabin of an absent lifeguard... This stereotypical and deja-vu image seemed adapted to represent a fantasized place that is both distant but achievable.
In 2014, I
therefore went to this desert of reality to verify my mirage there. I
took this image-landscape, pre-existing and immutable, by photographing
it. One day in 2019, wanting to relive the strange satisfaction that
this shot had given me, I went for a walk in Google Street View, a
virtual exploration service developed by a Californian company. I
captured the scene again, this time without getting up from my office
chair. Noting even more strongly the both evanescent and perpetual
character of this landscape which has become a fragment of an exhaustive
map of the empire, documenting its own existence. Then, it was from my
sofa, in the GTA V video game, a synthetic and modified copy of Los
Angeles, that I captured the imprint of this place a third time. This
time, the fictionalization by 3D modeling and by the renaming of the
place gave Santa Monica the stature of a monument, more dreamlike and
perennial than ever, eternal.
For four years, his three images
formed a triptych. In 2023, Midjourney, an A.I.-based computer tool,
also developed in California, allowed me to blend the qualities of these
three images by merging them. The result is a reflection of a time and
place that never was. A pure simulacrum, without anchoring or direct
reference to reality, yet representing a very real place: the promised
land of simulation.