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Abîmes ; Le Quatrième mur - République, 2020

Photographie numérique, papier mat contrecollé sur Dibond, 50 x 75 cm


Le Quatrième mur - République est en quelque sorte la suite de la série Le Quatrième mur.


Au théâtre, le quatrième mur est la séparation imaginaire entre la scène et le public. L’expression « briser le quatrième mur » désigne pour les comédiens le fait de s’adresser directement aux spectateurs. Ces photographies documentent l’instant précis où les personnes que je photographie se rendent compte de ma présence et où leur regard croise le mien à travers mon objectif. Ces personnes sont en situation de représentation (selfie, réseautage, meeting politique, tournage, manifestation...) et évoluent dans des contextes spectaculaires et ritualisés en y jouant des rôles sociaux et narratifs définis. Mes sujets sont figés dans l’état diffus pendant lequel un individu est à la fois une personne et un personnage.


Utiliser la technique de métafiction du quatrième mur brisé me permet de pousser ces images réalisées sans mise en scène vers un endroit théâtral et fictif. Cependant, dans le même temps, le regard caméra désamorce le phénomène même de fictionnalisation en l’assumant. Un personnage conscient de sa condition fictive est-il toujours un personnage ? Les personnages représentés semblent distraits, intrigués, suspicieux, dérangés au sein de leur bulle narrative que mon intervention et le regard du spectateur viennent percer. Ils semblent pris au piège entre deux mondes, entre le documentaire et la fiction, entre la vie privée et la vie publique, entre la réalité sociale matérielle et le récit spectaculaire...


Ces six photographies représentent des personnes présentes à Paris lors de la manifestation contre les violences policières du 13 juin 2020. Ayant été interdite par la préfecture, la manifestation fut maintenue par ses organisateurs mais bloquée Place de la République. Le récit que forme cette série respecte donc l’unité de lieu, de temps et d’action d’un événement ritualisé et spectaculaire. Au moment des prises de vue, ma position est ambiguë. Quelque part entre le photographe de presse, le metteur en scène, le barbouze des RG infiltré et le spectateur. Ai-je documenté l’Histoire ? Ai-je mis en scène l’actualité ? Ai-je surveillé une contestation ? Ne suis-je pas moi-même crédule devant mes propres images ? Ces personnes me regardent-elles vraiment ?


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Abîmes ; The Fourth Wall – Republic, 2020
Digital photography, matte paper laminated on Dibond, 50 x 75 cm


The Fourth Wall - Republic is in a way the continuation of the serie The Fourth Wall.


In theatre, the fourth wall is the imaginary separation between the stage and the public. The expression “breaking the fourth wall” designates for the actors the fact of addressing the spectators directly. These photographs document the precise moment when the people I photograph become aware of my presence and when their gaze meets mine through my lens. These people are in situations of representation (selfie, networking, political meeting, shooting, demonstration...) and evolve in spectacular and ritualized contexts by playing defined social and narrative roles. My subjects are frozen in the diffuse state during which an individual is both a person and a character.


Using the broken fourth wall metafiction technique allows me to push these unstaged images into a theatrical and fictional place. However, at the same time, the look at the camera defuses the fictionalization phenomenon by assuming it. Is a character aware of his fictitious condition still a character? The characters represented seem distracted, intrigued, suspicious, disturbed within their narrative bubble that my intervention and the viewer’s gaze pierce. They seem trapped between two worlds, between documentary and fiction, between private life and public life, between material and social reality and spectacular narrative...


These six photographs represent people present in Paris during the demonstration against police violence on June 13, 2020. Having been banned by the prefecture, the demonstration was maintained by its organizers but blocked Place de la République. Therefore the narrative that this series forms respects the unity of place, time and action of a ritualized and spectacular event. At the time of the shots, my position is ambiguous. somewhere between the press photographer, the director, the undercover police agent and the viewer. Have I documented history? Did I stage the news? Did I monitor a protest ? Am I not myself credulous in front of my own pictures? Are these people really looking at me?

© Aurélien Meimaris 2013 - 2024
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